posté le 26-04-2015 à 22:54:02

La première greffe de tête humaine

On pourrait se croire en pleine science-fiction en lisant ceci. Pourtant, le mois dernier, un Russe de 30 ans du nom de Valery Spiridonov s’est bien déclaré prêt à tenter la première greffe de tête humaine d’ici une à deux années. Atteint de la grave maladie de Werdnig-Hoffman, affection dégénérative touchant la moelle épinière, plus précisément au niveau des cellules qui innervent les muscles, qui se déclare en général six mois après le début de la vie et y met un terme dans les deux années suivantes, il est un des rares cas stabilisés, mais vit un enfer qu’il ne souhaiterait à personne d’autre. « Je n’ai pas vraiment d’autre choix, déclare-t-il aux journalistes. Si je ne tente pas ma chance, mon sort sera très triste. »



L’opération serait donc confiée à Sergio Canavero, neurochirurgien à l’université de Turin, qui, ayant déjà affirmé en 2013 qu’il serait bientôt capable de tenter l’expérience, a dévoilé ce projet fou en début d’année avant de le présenter à de riches mécènes en Russie. Il compte l’amener au congrès de l’Académie américaine de chirurgie neurologique qui se déroulera en juin de cette année à Annapolis, dans le Maryland, et espère bien convaincre la communauté scientifique de la crédibilité de ce protocole, dont il possède d’ailleurs des détails techniques empêchant de le remettre indiscutablement en cause. D’après lui, tout est question de vitesse, il s’agit de transplanter la tête en une heure, soit la durée pendant laquelle le cerveau peut rester en hypothermie sans subir de lésions irréversibles.



Toutefois, les experts restent très prudents lorsqu’on les interroge sur la faisabilité de cette opération. Au-delà de la difficulté que représente la suture des connexions neuronales de la moelle épinière, que le neurochirurgien affirme pouvoir surmonter (« Aujourd’hui, nous avons les techniques pour accomplir cette reconnexion. Des travaux ont montré que des substances chimiques, le polyéthylène glycol (PEG) et le chitosan, induisent la fusion des fibres nerveuses (axones) coupées. Nous pourrions, grâce à cela, reconnecter plus de 50% des axones. Or, d’après la littérature, la connexion de 10% seulement de fibres descendantes (du cerveau vers le corps) de la moelle épinière suffit pour rétablir le contrôle volontaire de la motricité. »), la question du rejet du greffon se pose. Des traitements existent, mais le greffon a une durée de vie limitée, et s’il est possible de retirer un rein ou une main, il n’en va pas de même pour une tête !

À cela s’ajoute la question éthique. Comme le dit le Dr. Canavero, « l’opération créera une chimère porteuse de l’esprit du receveur mais qui engendrera la descendance du donneur. » "Monstrueux", "ridicule", les critiques vont bon train sur le sujet. À vrai dire, le neurochirurgien lui-même s’interroge, car malgré le prix prohibitif de ce genre d’opération – une dizaine de millions d’euros, estime-t-il –, « Que se passera-t-il si un vieux milliardaire chinois réclame un nouveau corps ? Les médecins se serviront-ils dans les prisons, comme c'est le cas pour certains organes ? »

On se demande également quelle pourra être la réaction du patient lorsqu’il se réveillera dans le corps d’un autre, après s’être fait décapiter en même temps qu’un donneur en état de mort cérébrale et avoir été placé dans un coma artificiel devant durer un mois pour permettre aux liaisons neuronales de se rétablir. De graves troubles identitaires pourraient surgir, et Spiridonov pourrait très bien perdre le sens de qui il est. Pire, les expériences déjà réalisées sur des singes dans les années 70 n’avaient jamais permis aux cobayes de survivre bien longtemps.

Malgré cela, le malade reste sur ses positions. « Ma décision est définitive et je ne prévois pas d’en changer. » De plus, il se dit « très intéressé par la technologie et tout ce qui pourrait améliorer la vie des gens », ajoutant que « faire cela n'est pas seulement une opportunité pour moi ; cela crée aussi une base scientifique pour les générations futures ». « Si j’ai peur ? Oui bien sûr. Mais ce n’est pas uniquement effrayant, c’est aussi très intéressant. » En 1999, Robert White prédisait que « ce qui a toujours été une affaire de science-fiction (…) sera une réalité clinique au début du XXIe siècle » – y compris pour les têtes humaines. Alors, assistera-t-on bientôt au début d’une nouvelle ère où il sera possible de dépasser ce tabou transhumaniste ? Quoi qu’il en soit, la décapitation est prévue pour 2016 ou 2017.
 


 
 
 

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