Je ne pense pas que c’est une bonne chose de vous en parler. D’après ce que j’ai compris, c’est une des conditions. Mais je n’en suis pas sûr, alors peut être que ça ne changera rien, au final. En même temps, ne pas en parler, ça empêche de pouvoir s’y préparer. Et il vaut mieux y être préparé, le jour où ça nous arrive. C’est comme quand on déclare un cancer. Ceux qui ne savent pas de quoi ils souffrent ont peur, ils ne savent pas d’où viennent leurs douleurs et ils paniquent. Savoir à quoi s’attendre, quelque part, ça donne un petit espoir. L’espoir que les symptômes s’arrêtent et qu’on guérisse miraculeusement.Ça semble frapper au hasard dans la population. Parfois c’est une personne seule, parfois c’est une famille entière. Que l’on soit gros, grand, petit, mince, sportif, que l’on soit en général en bonne santé ou non, ça ne change rien. Comment ça se propage ? C’est un mystère pour tous ceux qui y assistent comme pour ceux qui subissent. Des spéculations sont faites là-dessus. Les gens qui l’ont en ont souvent parlé avant de tomber malade. Peut être qu’il faut être un peu hypocondriaque pour que ça finisse par nous tomber dessus. Mais je crois que certaines victimes n’en avaient jamais entendu parler, alors je ne suis pas tout à fait sûr.Le tout premier symptôme à se déclarer, c’est l’iris qui devient complètement noire. On dit que la couleur des yeux est causée par la production de mélanine dans l’œil, et qu’elle ne varie que pendant la première année de vie. Cette chose doit la réactiver et la pousser à son maximum, d’une manière ou d’une autre. Ou alors ce n’est pas naturel, et autre chose vient se loger dans vos yeux. Je ne sais pas. C’est possible, après tout les yeux sont très touchés par l’infection. On se met à pleurer du sang. Notre vision s’altère, les couleurs deviennent toutes fades. La lumière nous éblouit très facilement et nous fait même mal. Quand on voit tous ces symptômes, ça donnerait presque l’impression que vos yeux sont consommés par ce qui s’y est logé. Et vous n’allez même pas le sentir.La peau aussi se met à changer. Au début, elle devient pâle, rêche, un peu comme du papier. Chez certains, la pâleur peut aussi être accompagnée d’une teinte jaunâtre. Ça ressemble un peu aux fleurs qui fanent ou aux légumes qui pourrissent. La suite est d’ailleurs conforme à cette image. Quand on se blesse, la peau ne se répare plus. La chaire reste à vif. Le sang peut coaguler, mais les croûtes ne partent jamais. Ou alors, si on les arrache, on saigne de nouveau. Nos ongles tombent, aussi. Comme les poils. Comme les cheveux. Quand vous vous levez et que vous vous regardez dans la glace, vous avez l’air dégoûtant. Vous pourrissez.Après, c’est le cerveau qui est attaqué. Peut être que les autres organes le sont aussi, en fait, mais on n’a pas envie de vérifier. Personne n’a envie de finir infecté parce qu’il aura essayé de voir tous les effets qu’il y a eu sur le corps. On ne sait toujours pas comment ça s’attrape, vous vous rappelez ? En tout cas, on ne sent rien du tout dans son corps. Peut être qu’on est dévoré de l’intérieur sans même le sentir ? Imaginez, vous vous réveillez un jour et vous voyez des vers et des insectes sortir d’un trou de votre poitrine. Vous les voyez qui vous grignotent, et pourtant vous ne sentez rien. Ou pire, vous ne les voyez pas, mais vous savez qu’ils vous grignotent. Peut être que c’est parce qu’ils grignotent votre cerveau aussi que vous ne sentez rien ?Les hallucinations et les maux de tête, ça doit venir de là. Tout ce que vous voyez, et qui n’est pas là. C’est comme si vous étiez drogué en permanence. Vous allez sûrement voir des monstres. Les membres de votre famille, vos amis, vous allez croire qu’ils se sont transformés en abomination. Vous allez essayer de leur échapper, ou pire. Sans même en avoir conscience. La douleur qui transperce votre crâne vous empêche d’y songer clairement. Tout ce que vous savez, c’est que vous êtes transcendé par la peur, et que vous devez tout faire pour survivre, peu importe quoi. Vous vous réveillez avec les mains couvertes de sang. Vous venez de tuer votre mère. Mais elle était si terrifiante, alors elle devait vous vouloir du mal, n’est-ce pas ? Vous, vous n’êtes pas si terrifiant. Votre reflet dans le miroir semble aller mieux. Vous pensez probablement que la maladie va se retirer. Vous vous dites que c’est beau d’avoir retrouvé des couleurs. Vous allez certainement avoir enfin la paix avec les horreurs qui vous couraient après.Mais vous êtes poursuivi dans votre sommeil aussi. Chaque nuit, vous rêvez que vous êtes dévoré vivant. Ou peut être que vous ne rêvez pas ? Quand vous vous réveillez, vous ne le sentez pas, mais vous êtes amoindri. Le sommeil n’a pas été réparateur. Vous avez simplement fermé les yeux et les avez rouverts quelques heures plus tard. Les maux de tête s’accentuent. Vous donneriez n’importe quoi pour dormir. Ne vous inquiétez pas, vous allez bientôt dormir. Un jour, vous ne vous réveillez plus. Il va falloir un certain temps à vos proches pour vous en rendre compte. Vous avez toujours l’ai terriblement vivant. Vous les regardez de vos yeux sans couleur. Votre visage reflète l’horreur que vous venez de traverser. Vous avez peut être vu ce qui vous a infecté, qui sait.Qui sait si vous n’êtes pas déjà infecté. Vous savez que cette maladie existe. Si la théorie qui dit qu’il faut, d’une manière ou d’une autre, le savoir pour tomber malade est fondée, alors je tiens sincèrement à m’excuser de vous avoir mis dans cette situation. Mais si ce n’est pas le cas, l’infection vous aurait frappé d’une manière ou d’une autre. Cependant, ne perdez pas espoir. Peut être que quelqu’un trouvera un remède. Après tout, il n’est peut être pas impossible de guérir quand la maladie n’est pas trop installée. Regardez-moi, je me sens mieux de jour en jour.