posté le 29-09-2017 à 02:33:47

Ne regarde pas derrière toi

« Sérieux, le monde est en train de perdre les pédales ! »

C’est ce que sembla entendre Mehdi lorsqu’il sortit de sa torpeur, les yeux embrumés et le crâne transpercé par une douleur lancinante. Les mélanges qu’ils avaient faits la veille n’avaient vraiment pas été une bonne idée, après tout. Robin et lui avaient voulu faire les malins, et maintenant voilà où il en était, à ne même plus se rappeler comment tout s’était fini, ni quelle était la date au juste. Il poussa un grognement et essaya de se faire une meilleure idée de ce qui l’entourait. Il était sur le sofa, dans le salon de sa sœur Isra, une couverture grossièrement posée sur lui, une bassine à ses pieds. Qui avait servi, visiblement. Charmant.

 


 
 
posté le 02-02-2017 à 08:00:43

Essaim

Le réveil sonna. Son insupportable bip-bip ne mit pas longtemps à remplir toute la chambre. Le propriétaire du deux-pièces se leva en grommelant et laissa tomber sa main sur l’appareil, qui s’arrêta. Il affichait six heures trente. Tyler le regarda d’un air désabusé puis alla dans la salle de bain en trainant les pieds. Il avait encore peu dormi. Son métier lui laissait déjà peu de répit, mais en plus, le peu d’heures de sommeil dont il pouvait profiter étaient peuplées de cauchemars dus à ce qu’il voyait pendant la journée.

 


 
 
posté le 19-05-2016 à 18:05:29

Nous ne voulons pas mourir - 9 septembre 2026

Notre petite rencontre ne s’est pas du tout déroulée comme prévu. Lorsque j’ai discrètement quitté ma couchette pour rejoindre Frank sur le toit, j’ai jeté un œil autour pour m’assurer que personne n’avait remarqué mes mouvements, puis je suis allé prendre mon arme, je suis sorti. Mon compagnon était déjà en train de discuter avec les deux autres lorsque je suis arrivé à l’extérieur, et tous trois ont paru satisfaits de me voir. Nous avons commencé à faire le point sur ce que nous savions, c’est-à-dire trois fois rien. Le camp est relativement calme en ce moment, et même si le réveil de la femme aux cheveux noirs a causé un peu d’émoi, la tension semble empêcher tout le monde d’entreprendre quoi que ce soit. Chacun observe les autres et garde ses doutes pour lui.
 


 
 
posté le 26-04-2015 à 22:54:02

La première greffe de tête humaine

On pourrait se croire en pleine science-fiction en lisant ceci. Pourtant, le mois dernier, un Russe de 30 ans du nom de Valery Spiridonov s’est bien déclaré prêt à tenter la première greffe de tête humaine d’ici une à deux années. Atteint de la grave maladie de Werdnig-Hoffman, affection dégénérative touchant la moelle épinière, plus précisément au niveau des cellules qui innervent les muscles, qui se déclare en général six mois après le début de la vie et y met un terme dans les deux années suivantes, il est un des rares cas stabilisés, mais vit un enfer qu’il ne souhaiterait à personne d’autre. « Je n’ai pas vraiment d’autre choix, déclare-t-il aux journalistes. Si je ne tente pas ma chance, mon sort sera très triste. »
 


 
 
posté le 06-04-2015 à 19:08:52

Tomber dans le trou

Connaissez-vous l’origine de toutes les expressions que vous utilisez ? Des fois, on apprend des choses assez surprenantes en cherchant un peu… Ou alors par hasard, après avoir discuté avec une personne d’un autre âge, trop heureuse de nous en apprendre plus sur n’importe quel sujet.Le récit que je vais vous faire vient d’ailleurs d’une de ces fameuses discussions, c’est un homme qui s'était présenté en tant qu'ami de mes grands-parents qui m’a parlé de cette histoire un jour où il venait leur rendre visite. Comme beaucoup de jeunes, alors que mon grand-père s’était excusé un moment et tardait à revenir, je n’ai pas pu m’empêcher de lui lancer « Bah alors ! T’es tombé dans le trou ou quoi ?! » à travers le couloir. À peine je terminais ma phrase que le visiteur me regardait d’un air scandalisé. Je ne sais plus trop si je me suis excusé ou pas, par contre je me souviens bien de ce qu’il a dit pour entamer le sujet :« Malheureux ! As-tu au moins une idée de ce que tu es en train de dire ? »Je n’ai pas trop su quoi répondre, et il a enchaîné sur une histoire assez ancienne, qui lui avait été racontée par sa propre grand-mère, a-t-il dit. À l’époque, elle et son mari vivaient à Londres, et c’était l’époque des Grandes Puanteurs. La Tamise avait beaucoup baissé et les excréments mélangés aux déchets des boucheries bloquaient le canal. La ville était envahie par les mouches et l’air était tellement irrespirable que des gens se couvraient la bouche de mouchoirs pour pouvoir respirer, un peu comme en Chine aujourd’hui. Du coup, les gens étaient furieux et essayaient de s’en aller, même les politiques ont déplacé leurs bureaux pour essayer d’échapper à l’odeur. Quand le niveau de la Tamise a remonté et que la situation s’est calmée, les gens ont compris qu’il était peut-être temps de réfléchir à un moyen d’évacuer les déchets autrement qu’en laissant tout passer dans les rues.Au début, on a essayé d’améliorer les égouts qui existaient déjà. Ça se passait bien, en général, et puis de temps en temps un ouvrier disparaissait. Comme ça, sans crier gare. Ce n’était pas très surprenant non plus pour l’époque, alors on lançait des recherches sans trop se poser de questions. De toute manière, ça n’arrivait pas fréquemment, et on n’était même pas sûr que l’ouvrier ait disparu dans les égouts ou à l’air libre. Alors le réseau a été terminé, et globalement on peut dire que ça s’est déroulé sans anicroche. Les maisons et les commerces y ont été reliés, et ça a tout de suite facilité la vie de beaucoup de monde.Comme le système était tout nouveau, par contre, on voulait s’assurer que tout fonctionnait bien, alors de temps en temps on envoyait des gens vérifier que ça ne bouchait nulle part. Ça a permis une ou deux fois de réfléchir à quelques petites modifications, parce que tout n’était pas encore parfait. Mais le vieil homme m’a raconté que c’est à ce moment-là que certaines personnes ont commencé à se poser des questions, parce qu’on demandait les observations des gens qui descendaient, et tous faisaient la même remarque : les déchets humains s’écoulaient le plus souvent normalement, mais les déchets des commerces étaient anormalement peu nombreux. On a envoyé des gens vérifier que tout était correctement relié, et même si une boucherie avait eu des problèmes d’évacuation, globalement ça allait. On a supposé que le système marchait mieux que prévu, mais certains des agents qui descendaient n’étaient pas de cet avis. Eux, ils étaient sûrs d’avoir vu des restes de viande rongés jusqu’à la moelle.D’ailleurs, on a commencé à leur donner un peu de crédit quand on a retrouvé le corps d’un des ouvriers qui avait disparu pendant l’aménagement des égouts. Il ne restait que quelques ossements, mais on a quand même pu l’identifier à son équipement qui lui avait été arraché. Après l’avoir découvert, on a tout de suite pensé à une colonie de gros rats. Ça correspondrait bien à ce qu’avaient observés les autres employés, et il suffisait que l’ouvrier ait glissé et se soit fracassé le crâne contre une paroi en pierre pour que les nuisibles soient venus profiter de sa carcasse. Du coup, quelqu’un a eu une brillante idée, celle de mettre de la mort-aux-rats dans les déchets des boucheries pour régler le problème. Ça a plutôt bien fonctionné vu que peu de temps après, on a pu constater que le nombre de déchets venant des commerces augmentait dans les égouts. Seulement après il y a eu la première mort réellement inexpliquée.C’était une vieille dame qui habitait en face de chez les grands-parents de notre hôte. Elle allait souvent au marché pour faire ses courses, mais elle a cessé d’y venir du jour au lendemain. Et quand ses voisins du dessous ont commencé à se plaindre d’une odeur épouvantable, on a fait venir la police pour ouvrir la porte et vérifier que tout allait bien. Ils ont d’abord fouillé tout l’appartement sans la trouver, ils ont ouvert la porte de la salle d’eau seulement après. C’est là qu’ils ont compris pourquoi on ne la voyait plus. La pauvre avait été réduite en charpie, le haut de son corps trempait encore dans la cuvette tandis que le bas était tombé par terre. Les insectes avaient envahi la pièce depuis un moment et se chargeaient d’éliminer progressivement les restes, mais on a quand même facilement pu constater que toute la région du bassin était manquante. Vu les marques, il semblait qu’elle avait été arrachée.Les autorités auraient été désemparées ne sachant pas trop quoi faire. Et il n’a pas fallu longtemps pour qu’on signale un deuxième, puis un troisième cas. Comme pour les fois suivantes, on n’a retrouvé les corps que quelques temps après la mort. Bien que le nécessaire ait été fait pour que ce ne soit pas ébruité, probablement pour éviter la panique, les rumeurs couraient vite à l’époque, et il n’a pas fallu longtemps pour qu’on en parle aux coins de rue ou dans les bars, sans trop savoir ce qu’il en était réellement. C’est à ce moment que l’expression « tomber dans le trou » est apparue, pour éviter de parler distinctement de la chose tout en restant suffisamment compréhensible. Je me souviens de ne pas avoir réussi à m’empêcher de rire lorsqu’il m’a dit ça. Mais à ce stade de l’histoire, j’étais partagé entre le comique de l’expression et le malaise par rapport aux évènements, de sorte que même si je riais, j’étais un peu crispé. Le vieil homme m’a regardé d’un air condescendant, et ça a achevé de me rendre mon calme. Il avait l’air de prendre cela très au sérieux, et c’est vrai que même si la fin des dernières victimes ressemble à un épisode de South Park, l’idée de quelque chose rôdant dans les égouts prêtait déjà beaucoup moins à rire. Sans compter son air mystérieux qu'il avait pris à mesure qu'il avançait dans son récit et qui commençait presque à me filer la chair de poule. On aurait dit qu'il délectait de son histoire. Mais ça ne devait qu'être moi.Il a continué l’histoire en me disant qu’à ce stade, sa grand-mère était devenue très inquiète, parce que son grand-père faisait partie de ceux qu’on envoyait de temps à autres vérifier que tout allait bien. Il lui disait qu’elle n’avait pas à s’en faire et qu’il n’y avait jamais eu l’ombre d’un danger quand il était descendu, mais lui-même avait de moins en moins envie de faire son travail. Quand la huitième victime a été retrouvée, ils ont envisagé de se retirer à la campagne le temps que ça se tasse. Mais ils ne l’ont jamais fait, parce que tout s’est terminé avant qu’ils n’en prennent vraiment la décision.À peine une semaine après, des policiers passaient par hasard dans une rue quand on a crié au secours depuis une fenêtre. C’était une femme qui les a fait rentrer et les a menés jusqu’à la salle d’eau où tressautait le corps de son mari qui semblait vouloir se faufiler tête la première dans la cuvette des toilettes. Le bras droit et la tête avaient déjà disparu, et quelque chose continuait de tirer dessus en provoquant des craquements immondes. Un des policiers a dégainé son arme et tiré sur la cuvette qui s’est fendue, relâchant ce qui restait de l’homme dans un flot de sang. Ils ont entendu un crissement dans les canalisations, et puis plus rien. La femme leur a raconté que son mari avait entendu des bruits provenant des tuyaux et que, croyant que quelque chose s’y était coincé, il avait voulu l’en déloger, mais qu’il s’est mis à hurler et n’a plus réussi à se libérer.Le soir même, la décision était prise de murer les canalisations et de chercher un autre système d’évacuation des déchets. Les travaux ont été accomplis en vitesse, et on a préféré employer les toilettes sèches pendant un certain temps. Certains employés racontent qu’avant de finir l’emmurement des égouts, ils ont cru apercevoir du mouvement dans le dernier des accès, mais rien ne leur a permis de le confirmer. Ce n’est que bien plus tard, quand ils ont finalement été rouverts pour devenir ce qu’ils sont aujourd’hui, qu’on a pu voir que quelque chose avait gratté contre la paroi. Mais c’est resté si longtemps fermé qu’il y avait assez peu de chances pour qu’un être vivant ait survécu jusque là. L’histoire menaçant la crédibilité de la ville, elle a vite été effacée des archives et n’a survécu que dans l’esprit de ceux qui l’ont vécue. La cause de la mort des 9 victimes a été remplacée par quelque chose de moins « incongru », et les ouvriers présumés morts ont été déclarés disparus sans plus de précisions.Au moment où le vieux a terminé son récit, je me rappelle avoir sursauté à cause de la porte d’entrée que ma grand-mère a fait claquer en rentrant. Quand elle a vu avec qui je discutais, elle a eu l’air surprise, mais elle a secoué la tête et est allée voir ce que faisait mon grand-père. C’est le moment qu’a choisi notre hôte pour s’en aller, en s’excusant du fait qu’il n’avait pas vu l’heure. Il m’a demandé de le dire à mes grands-parents avant de sortir, me laissant en plan. J’ai failli essayer de le retenir, mais mon grand-père m’a appelé à ce moment et je n’ai pu qu’accepter. Quand il m’a dit que c’était parce qu’il avait entendu de drôles de bruits dans les tuyaux et qu’il voulait que je l’aide à déboucher les toilettes, j’ai failli faire une attaque. J’ai fait en sorte qu’on ne s’en occupe que plus tard dans la journée, et ça m’a rassuré. Je me suis senti idiot très longtemps après ça, je me disais que je m'étais laissé impressionner pour rien. Le jour qui m'a définitivement collé le doute et a achevé d'imprimer cette histoire profondément dans ma tête a été celui où on a dû changer les sanitaires à cause d'une fuite du tuyau et que j'y ai trouvé à l'intérieur des traces d'éraflures qui n'avaient définitivement pas été causées par le tartre.
 


 
 
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