posté le 06-10-2013 à 19:45:06

N'oubliez pas de fermer vos volets

Je voulais vous parler de quelque chose, je ne sais pas si ça vous le fait à vous aussi, cependant je pense que certains comprendront exactement de quoi je parle. C’est un sentiment d’angoisse comme tant d’autres que l’on peut avoir pour une raison x ou y, et qui la plupart du temps n’est absolument pas justifié. En l’occurrence, le miens se focalise sur les fenêtres, la nuit.

 

La journée, c’est absolument anodin, on regarde au travers lorsqu’on ne sait pas quoi faire, ça permet de rêvasser un peu et, accessoirement, ça permet de se ficher des bestioles qui les percutent sans les voir lorsqu’elles sont fermées ou au contraire de s’énerver parce qu’une mouche n’arrive pas à les franchir alors qu’elles sont grandes ouvertes. On y voit la lumière du soleil jusqu’à ce qu’il se couche, dissimulant lentement les environs connus et rassurants qui s’étendent au-delà.

 

Ils ne changent pas ces environs, pourtant, lorsqu’il fait nuit noir, ils sont d’un coup beaucoup moins rassurants. Les fenêtres sont fermées et on ne peut rien distinguer à plus de deux mètres à cause de leur manière de réfléchir la lumière, le plus souvent. On n’entend pas la plupart des sons provenant du dehors et on est bien incapable de dire ce qui se passe au-delà de la ligne de vue. Lorsqu’on y jette un œil, il nous arrive de nous demander ce qui se passe, à peine quelques mètres plus loin. Nos yeux ne sont pas assez bons pour voir les mouvements dans cette obscurité perverse. Y aurait-il une foule de créatures sanguinaires tapies dans l’ombre que nous serions bien incapables de les voir.

 

Qui dit qu’elles n’y sont pas, d’ailleurs ? Qui dit que le bruit que l’on a entendu à peine cinq minutes plus tôt n’était pas de leur fait ? Maintenant que vous y pensez, vous regardez beaucoup plus souvent vers la fenêtre la plus proche de vous. Il n’y a rien au dehors, c’est impossible qu’il y ait quelque chose, c’est aussi calme que tous les soirs, et pourtant… Pour ceux qui en ont un, lorsque le chien se met subitement à aboyer de toutes ses forces, poil hérissé tout le long de l’échine, en regardant dehors, cela fait faire un énorme bond de surprise. Et après on ne peut que se demander : « Qu’a-t-il vu ? »

 

Et ça, c’est seulement lorsque vous êtes avec d’autres personnes ou en train de regarder la télé. Le pire, c’est quand votre maison ou votre appartement est totalement silencieux. Lorsqu’il n’y a que vous pour troubler la quiétude des lieux avec les bruits de vos pas. Et quand vous regardez vers ces fenêtres dissimulant le monde extérieur, vous ne pouvez en détacher le regard, car il n’y a absolument rien pour détourner votre attention, pour répartir votre concentration. Il n’y a que cette fenêtre à travers laquelle rien n’est visible et qui ne fait que vous renvoyer un pâle reflet de vous-même.

 

Faites encore diminuer la lumière, laissez juste une petite lampe allumée dans une pièce voisine, ou une bougie sur la table, et l’atmosphère devient encore plus oppressante. L’ombre vous entoure et la faible lumière qui se reflète sur la vitre altère encore davantage les images qui étaient invisibles alors que l’ampoule la plus forte était encore allumée. Vous sursautez tout à coup car vous croyez avoir vu quelque chose, puis vous vous détendez : ce n’est que le reflet de l’horloge. Mais à peine une seconde auparavant, vous auriez juré que c’était une tête inhumaine qui vous regardait de l’autre côté.

 

À ce stade-là, vous n’avez déjà plus trop envie de vous approcher des fenêtres. C’est certain qu’il n’y a rien dehors, mais, tout de même, ces frêles vitres sont bien minces, que se passerait-il si vous vous trompiez et qu’il y avait vraiment quelque chose ? Mais il est temps d’aller au lit, c’est inutile de penser à ça, c’est idiot de jouer à se faire peur comme ça. Pourtant, sur le chemin qui vous en sépare, vous ne pouvez vous empêcher de vous arrêter devant l’une d’elle et d’imaginer ce qui se passerait si vous y voyiez quelque chose apparaître soudainement. Les images que vous avez en tête vous serrent davantage l’estomac. Et là, vous réalisez que si c’était le cas, si quelque chose venait se plaquer à votre fenêtre, ce serait déjà trop tard pour vous. La chose ou la personne vous aurait vu, et il y a fort à parier qu’elle chercherait à vous atteindre. Qu’est-ce qui l’empêcherait, alors, de briser la fenêtre et de vous poursuivre dans votre domicile, jusqu’à ce qu’elle réussisse enfin à vous mettre la main dessus ? Notez qu’en général, l’imagination de ces scènes ne va pas plus loin, car au moment où vous réalisez ça, vous bougez enfin de devant votre fenêtre et allez vous blottir dans votre lit.

 

Cependant, même sous votre couverture, vous ne pouvez ignorer cette vérité : il y a une fenêtre qui donne dans votre chambre. En plus vous pouvez toujours distinguer une partie de la noirceur qui se trouve de l’autre côté parce que, bêtement, vous avez oublié ou vous avez eu la flemme de fermer les volets qui, habituellement, permettent de voir ce qu’il y a derrière cette fenêtre, et surtout, de ne pas être vu par ce qui pourrait rôder au dehors, sans compter la protection qu’ils offrent contre une éventuelle tentative de pénétrer chez vous. Là, à essayer de vous endormir, votre esprit est à l’affut du moindre petit son, et vous êtes beaucoup plus conscient des choses. Vous vous rendez compte qu’au final, ce n’est pas si silencieux que ça dehors. Il s’y passe beaucoup de choses, même. Mais vous ne pouvez rien voir. Vous ne savez pas ce qui s’y trame. Et si ?...

 

Vous sursautez de nouveau car cette fois, c’est un bruit qui vient de l’intérieur de votre chambre que vous avez entendu. Vous étiez tellement focalisé sur le dehors que vous en avez oublié le dedans. Mais ça ne doit être que le bois qui travaille… N’est-ce pas ? Et si le sac que vous aviez mis en équilibre est soudainement tombé, c’est qu’il serait bien tombé à un moment où à un autre, il n’y a rien dans votre chambre qui aurait pu causer sa chute. Les bruits que vous entendez dans d’autres pièces plus loin, ça doit être un des membres de votre famille ou vos voisins du dessous qui se sont levés pour aller boire un verre d’eau, ça ne peut être que ça. Vous finissez par vous retourner et essayer de vous laisser aller au sommeil, en essayant de ne pas vous demander si la chose qui vient de se mettre à taper à votre fenêtre n’est pas que le fruit de votre imagination… ni pourquoi vous n’arrivez pas à savoir si les coups viennent de l’extérieur ou de l’intérieur…

 

 

… La prochaine fois, vous n’oublierez pas de fermer vos volets.

 


 
 
 

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