posté le 23-02-2012 à 21:55:32

Impuissance

Ceci n’est pas une histoire vraie, dans le sens où les personnages n’existent pas. Cependant, c’est une histoire vraie dans le sens où c’est probablement déjà arrivé à un certain nombre de personnes (sauf la fin), que je ne connais pas forcément, dont je n’entendrais probablement jamais parler. Mais cela n’a aucune importance.

 

 

Sébastien se leva, comme tous les matins, à 6h30. Il avait mal dormi, depuis quelques temps il ne cessait de faire des cauchemars. Il était très stressé de nature, et ses craintes le suivaient souvent jusque dans son sommeil. Cette nuit, il avait rêvé qu’il fuyait sous la pluie, poursuivi par une ombre qui dévorait tout sur son passage, qu’elle s’était insinuée lentement en lui, et qu’elle avait fait exploser ses os, qu’elle lui avait déchiré le cœur. Rêve stupide.

 

Il se prépara, avala un maigre petit déjeuner, prit ses affaires pour le lycée, sortit, verrouilla la porte et se dirigea vers son arrêt de bus, qui se trouvait non loin de chez lui. Il vivait dans une petite ville, non loin de celle où se trouvaient tous les lycées qu’on pouvait trouver dans les 30 kilomètres.

 

Comme tous les matins, il retrouva ses deux amis d’enfance dans le bus. Ils parlèrent de choses et d’autres pendant le trajet. L’un d’eux devait déménager le mois suivant, ses parents divorçaient, il allait s’installer avec sa mère dans la banlieue. Cela faisait bizarre à Sébastien de se dire que, bientôt, il ne le verrait quasiment plus. Depuis l’école maternelle ils étaient tout le temps ensemble, seul le lycée les avait séparé, mais d’à peine un kilomètre, et de toute manière ils pouvaient se voir tous les matins et tous les soirs dans le bus, et leurs maisons n’étaient pas très éloignées.

 

Le bus s’arrêta une fois, l’ami qui devait déménager leur dit « à ce soir » et descendit, le bus repartit. Sept minutes plus tard, il s’arrêta à nouveau, et cette fois ce fut au tour de Sébastien de descendre. Il dit au revoir de la même manière à son autre ami, et quitta le véhicule. Aujourd’hui, il n’avait pas beaucoup de cours, il commençait par une heure d’espagnol, ensuite deux heures de maths, il partait manger, à 13 heures une heure de français, puis deux heures de libres, et il terminait la journée par deux heures de physique.

 

Sébastien était en première scientifique. Il était doué depuis tout petit en maths, il avait goût pour la physique, et par ailleurs il maitrisait bien l’anglais. Il rêvait de devenir ingénieur informatique. Les ordinateurs n’avaient pas beaucoup de secrets pour lui, il maitrisait le langage C, le langage C++, le html, il savait créer des petits programmes et pouvait contrôler son ordinateur depuis le cmd. Les professeurs lui demandaient souvent son assistance lorsqu’ils devaient effectuer des tâches informatiques.

 

Dans sa classe, il avait quelques amis, mais la plupart de ceux avec qui il passait son temps étaient partis en section économique et sociale. Notamment son meilleur ami, Mickael, et une amie de seconde, dont il était tombé amoureux il y a quelques mois, Ariane. Il n’avait pas osé lui dire, il n’était pas vraiment sûr que ça en vaille la peine. Il était certain qu’elle s’intéressait à d’autres garçons que lui. De toute manière, ils faisaient parti de deux mondes différents, il la comparait souvent à un ange dans le ciel tandis qu’il était un simple humain sur terre.

 

Et puis leurs centres d’intérêts divergeaient beaucoup, lui était féru d’informatique, un vrai geek, et elle s’intéressait surtout aux problèmes sociologiques et politiques. Après le bac, elle espérait faire Sciences Po à Paris. Elle était très forte en espagnol tandis que lui était une vraie bille pour cette langue. Elle aimait les instruments à vent comme la flute traversière alors qu’il ne jurait que par les basses. Il était fainéant alors qu’elle était travailleuse. Elle avait perdu son père, il avait ses deux parents sous le même toit. Ils étaient comme l’Arctique et l’Antarctique.

 

Mais il n’y pouvait rien, les sentiments étaient là, alors il faisait avec. Elle était avec lui en classe d’espagnol, donc il la verrait un peu à la première heure. Il était assis derrière elle en cours, à coté de Mickael. Ils passaient l’heure à ricaner bêtement pour des sujets aussi incongrus les uns que les autres. Lorsqu’ils faisaient trop de bruit, elle les regardait d’un air assassin, et il baissait les yeux, se taisant une minute ou deux, mais ils reprenaient très vite les bavardages. Le professeur, quant à lui, ne faisait pas souvent de remarques, mais les appréciations sur le bulletin étaient salées.

 

Ce matin donc, il arriva un peu après l’ouverture de la salle et s’installa comme à son habitude. Ariane était déjà là. Lorsqu’il fut assis, elle se retourna et prit la parole :

 

« Salut Seb ! Dis, est-ce que tu es là cet aprem ? Mes deux heures d’économie sautent et j’ai des soucis pour le dernier devoir d’anglais, alors je voulais savoir si tu pouvais m’aider… »

 

Il fut surpris. D’habitude, elle ne lui demandait pas grand-chose, elle avait toujours une amie dans la même classe prête à l’aider. Il ne dit rien pendant cinq secondes, puis il répondit d’une voix égale :

 

« Oui, bien sûr je suis là, je n’ai jamais cours quand tu as éco. C’est mon seul vrai moment de libre de la semaine. Mais tu ne préfères pas que quelqu’un d’autre t’aide ?

 

- Je me rappelle de tes notes en anglais l’année dernière, répondit-elle en haussant les épaules, et je me suis dit que tu serais le plus à même de m’aider. Après si ça te dérange je peux toujours demander à…

 

- Non, non, très bien ! l’interrompit-il. Je t’aiderai, on n’aura qu’à aller à la médiathèque pour être au calme, à ces heures-ci le cdi est toujours rempli de secondes qui font du bruit.

 

- D’accord. Merci beaucoup. »

 

Elle le gratifia d’un sourire, puis se retourna. Sébastien était nerveux. Il allait passer deux heures seul avec elle ! Il ne savait pas trop quoi faire, mais il était content. Mickael arriva ensuite, et lui demanda si il était d’accord pour l’accompagner au magasin de musique pendant leurs heures de libres. Il refusa, disant juste qu’il était déjà pris. Remarquant la note joyeuse de la fin, Mickael eut un sourire en coin, s’assit, se pencha vers lui et lui glissa à l’oreille « Alors, tu te décides à jouer les jolis cœurs ? Fais attention de ne pas passer pour un vilain clochard !». Il ponctua sa remarque d’un clin d’œil. Sébastien ne lui répondit pas et sortit ses affaires de travail. Pour une fois, pendant l’heure, il ne discuta pas trop avec son voisin, et même si le cours suivant lui plaisait, les heures passèrent lentement tandis qu’il ne pensait qu’à l’après-midi.

 

Le moment venu, il devait rejoindre Ariane devant le lycée. Le ciel était gris, mais il ne pleuvait pas. Une légère brise soufflait. Après tout, on était encore en automne, il ne pouvait pas espérer une balade romantique sous les rayons du soleil. Il la trouva en train de fumer. Lorsqu’elle le vit, elle tira une dernière bouffée, écrasa sa cigarette et le rejoignit.

 

« Tu sais où c’est au moins ? le railla-t-elle en riant légèrement, je ne savais pas que les endroits de travail t’attiraient.

 

- Haha.

 

- Je te charrie, c’est bon. »

 

Ils se mirent en route. Il ne leur fallut qu’un quart d’heure pour atteindre la médiathèque. Ariane lui demanda si ça le dérangeait qu’elle fume une dernière fois avant de rentrer, car elle ne voulait pas s’interrompre dans son travail pour ça après. Il acquiesça et elle l’entraina dans la rue d’à coté, car « ça ne fait pas bien de fumer devant une médiathèque ». Sébastien rit à cette remarque, mais il fut ignoré.

 

La rue était un peu étroite, il n’y avait personne à part un homme assis par terre, probablement un mendiant. Il était vêtu d’un jean déchiré, portait une veste vert clair, et un bonnet gris couvrait ses cheveux courts, châtains. Il avait l’air assoupi, il ne bougeait pas. De toute manière il était à une trentaine de mètres. Sébastien le considéra quelques instants, puis se détourna. Ariane alluma sa cigarette, l’enleva de sa bouche, s’adossa au mur et recracha un petit nuage de fumée. Elle restait silencieuse. Sébastien se demanda si ce n’était pas le moment de tout lui avouer. Oui, elle le rejetterait sans doute, oui, ça mettrait sans doute un peu de tension entre eux, mais quelle importance ? Si elle lui disait oui…

 

Un bruit l’interrompit dans sa réflexion. Le clochard s’était levé et s’avançait vers eux d’un pas mal assuré en les fixant. Sébastien se plaça légèrement au devant d’Ariane, au cas où. Lorsqu’il fut presque à coté, il essaya de parler, mais seule une série de sons incompréhensibles sortirent de sa bouche. Il empestait l’alcool et était visiblement éméché. Il se reprit et dit plus intelligiblement :

 

« Tu fumes, toi, gamine ? T’aurais pas autre chose que du tabac à m’filer ? »

 

Ariane le regarda d’un air interdit.

 

« Je suis désolée monsieur, mais je n’ai que des cigarettes sur moi, je ne me drogue pas. »

 

L’homme la fusilla du regard et s’agita. Il se mit à parler en braillant presque.

 

« Qu’est-ce que tu parles de se droguer ?! J’veux bédave moi putain c’est tout ! Fais pas ta radine j’suis sûr que t’en as sur toi !

 

- On n’a ni weed ni shit sur nous, désolé, faudra repasser, intervint Sébastien, trouvant que l’échange avait assez duré.

 

- Tu m’veux quoi, p’tit merdeux, tu vois pas qu’je cause à la d’moiselle ?! » râla l’homme d’une voix éraillée.

 

Il se mit à tituber d’avant en arrière, et soudainement il envoya ses deux bras en avant, percutant Sébastien et le faisant tomber lourdement sur le sol pavé. Ariane eut un petit cri et commença à reculer. La voyant, le toxico plongea la main dans l’ouverture de sa veste et en sortit un revolver qu’il braqua sur elle.

 

« Où tu crois aller comme ça gamine ? Je t’ai demandé un truc, alors tu vas m’filer toute la cam que t’as sur toi ! »

 

Sébastien, affolé mais étourdi, regarda l’arme et demanda d’une voix effrayée :

 

« Mais où vous avez eu ça ?!

 

- Ferme ta gueule toi, p’tit con, et occupe toi d'ton cul ! » ragea le clochard.

 

Sébastien ne savait que faire. L’homme ne semblait pas en possession de ses moyens, et l’arme était d’autant plus dangereuse qu’il pouvait tirer sans même s'en rendre compte. Ariane pleurnichait en appelant son nom et en le regardant d’un air implorant. Il aurait bien tenté de lui faire sauter l’arme du poing comme dans les films, mais ici, on était dans la réalité. Ici, un mouvement raté et tout était fini.

 

Prudemment, il se releva, et dit d’une voix lente :

 

« -Calmez-vous. On n’a pas de cam sur nous, mais on peut vous donner de l’argent pour que vous alliez en acheter. Vous voulez de l’argent pour bédave ? »

 

Le toxico le regarda, comme s’il prenait tout à coup conscience de son existence. Il considéra ses paroles un court instant, puis répondit d’une voix trainante :

 

« Ouais… File-moi ta thune, et ensuite la gonzesse fait pareil… Allez grouille-toi ! »

 

Il agitait la main tenant le revolver d’une façon inquiétante. Sébastien se demandait s’il n’allait pas se faire sauter la cervelle tout seul. Il sortit son portefeuille, le mit bien en évidence pour que le clochard voie bien ce qu’il faisait, en sortit 30€ en billets et 5 en petite monnaie, qu’il tendit vers l’homme. Ce dernier se rapprocha en le braquant, arracha l’argent de sa main et le fourra dans sa poche. Il lui dit d’un air mauvais de rester où il était, puis avança avec autant de méfiance vers Ariane. Ils allaient s’en tirer, pensa Sébastien.

 

Il pensa trop tôt. À quelques mètres d’Ariane, le toxico se mit de nouveau à tituber, se prit les pieds et bascula en arrière, faisant des moulinets inutiles avec ses bras. Au même moment, une détonation assourdissante retentit et résonna dans la rue, accompagnée d’un petit gémissement. Le clochard était par terre. Il se redressa, regarda devant lui, et eut un mouvement de recul.

 

« -Oh merde, merde, merde… »

 

Le reste des sons se perdirent dans sa gorge. À quelques mètres de lui, Sébastien était immobile. Il ne voyait plus le toxico. Il ne voyait plus le monde autour de lui. Il n’entendait plus rien. Il ne pensait plus à rien. La seule chose qu’il voyait, c’était Ariane. Ariane, qui était tombée à genoux. Son visage figé, encore humide des larmes qu’elle avait versées. Son regard toujours implorant fixé sur lui. Une tâche rouge qui s’épanouissait sur sa poitrine, du côté où le cœur pompait pour faire circuler le sang dans tout le corps.

 

Elle n’était pas morte, la balle n’avait pas dû toucher l’organe vital. Mais elle n’en avait que pour quelques minutes, le fluide vital s’échappait à flot de sa petite blessure. Le toxico se leva brusquement et se mit à courir en titubant, son arme à la main, et disparut dans une ruelle adjacente. Sébastien n’en eut cure. Il ne pouvait que voir la vie de la fille qu’il aimait en train de s’échapper sous ses yeux. Les mots étaient coincés dans sa gorge, ses membres étaient paralysés, tout semblait s’effondrer autour de lui. Puis, il hurla son prénom, et, sortant de son état de choc, il se précipita vers elle et se laissa tomber à genoux. Elle était toujours droite, et elle pleurait. Il la prit contre lui, tremblant comme une feuille, ne sachant que faire.

 

« Appelle les pompiers, idiot… » souffla-t-elle.

 

Prenant conscience de sa bêtise, il sortit son portable comme si sa main s’était mise à brûler au moment où il l’avait plongée dans sa poche, composa le numéro et attendit, une boule dans la gorge. On répondit bientôt.

 

« Allô ? Je m’appelle Sébastien, je… Je suis à coté de la médiathèque. Je suis avec une amie et elle… Elle va mourir, elle perd beaucoup de sang !… On lui a tiré dessus, elle perd beaucoup de sang…

 

- Bien, ne paniquez pas, on vous envoie tout de suite une ambulance. Dites-moi, est-ce que la balle est ressortie ?

 

- Non…

 

- Dans ce cas, ne bougez surtout pas votre amie, vous risqueriez de la blesser davantage. L’ambulance sera sur place dans dix minutes. »

 

Le téléphone raccrocha. Il n’avait plus qu’à prier pour qu’elle tienne les dix minutes. Ariane continuait de pleurer dans ses bras. Le sang tâchait les vêtements de Sébastien à mesure qu’il s’écoulait. Il aurait voulu l’arrêter, le forcer à rerentrer, à rester dans le corps d’Ariane, mais il ne pouvait rien faire. Elle était en train de mourir, et il était impuissant. Elle bougea légèrement la tête. Le garçon la regarda. Elle ne pleurait plus. Elle le regardait simplement d’un air triste. Elle esquissa un faible sourire et articula difficilement :

 

« C’est bête, on n’aura pas eu le temps de faire l’anglais… »

 

Sébastien fut désemparé. Même dans cette situation, elle pouvait encore sortir des idioties comme ça. Et lui était juste bon à rien, il ne pouvait qu’attendre qu’on vienne la sauver en la regardant d’un air idiot. Il n’avait même pas eu le temps de lui dire ce qu’il avait sur le cœur. Il fallait qu’il le fasse, ça ne la sauverait pas, mais il se persuadait que ça aiderait, que peut être que grâce à son aveu, elle ne mourrait pas…

 

« Je n’aurai même pas eu le temps d’avoir un amoureux tiens… C’est dommage, il y avait des beaux garçons dans ma classe… Tu crois que j’aurais pu me trouver quelqu’un ? »

 

Sébastien réprima un sanglot. Finalement, il allait se taire.

 

« Oui. Je suis sûr que n’importe qui serait ravi d’être avec toi. Et ne parle pas comme ça, tu vas t’en sortir, les secours…

 

-Je n’ai presque plus de sang, l’interrompit-elle, n’essaye pas… de me convaincre que ça va aller. Je sais que c’est fini. Je suis triste, ma mère… va être toute seule. Tu pourras aller la voir et… lui dire que je l’aime, s’il te plait ? »

 

Elle avait de plus en plus de mal à s’exprimer. Les larmes montaient aux yeux du garçon et il lui prit la main. Elle ne pouvait pas mourir, c’était impossible, elle devait vivre, elle devait se remettre, pour qu’ils aillent encore en cours, qu’elle le fusille du regard en espagnol parce qu’il faisait trop de bruit, et qu’un jour il aille la voir et lui dise qu’il l’aime… Ce n’était pas le moment pour elle de mourir, c’était impossible !

 

« -Excuse-moi… Sébastien… Ma vue… se trouble… Il est l’heure… de faire… une sieste… Papa… vient me chercher… Excuse… »

 

Sa main se relâcha et sa tête tomba légèrement sur l’épaule de Sébastien. Ce dernier se figea. Sa tête allait exploser, il en était certain. De nouveau, il n’était plus capable de bouger, de parler, de penser, le monde s’effondrait vraiment autour de lui, il avait l’impression de voir la ville s’affaisser, brûler, se briser en mille morceaux, il avait l’impression que ses os éclataient, que son cœur se déchirait, sortait de sa poitrine, explosait, implosait, était tailladé de toute part.

 

Il hurla à la mort et les larmes affluèrent sur son visage. Il serrait le corps mort de celle qu’il aimait contre lui, il n’avait pas pu lui dire, il n’avait pas pu la protéger, il n’avait pas pu la sauver, et maintenant elle était partie définitivement. Il ne pourrait plus la lâcher, même si elle était partie, il ne pouvait pas lâcher son corps. Des gouttes de pluie commencèrent de tomber sur lui, et, une dizaine de secondes plus tard, il pleuvait des cordes, tandis qu’un orage commençait à gronder.

 

Lorsque l’ambulance arriva, il était bien trop tard. Les ambulanciers les trouvèrent tous les deux, dans la ruelle, trempés jusqu’aux os, le premier hurlant son désespoir, la seconde aussi froide que l’eau qui tombait. On eut du mal à le faire lâcher le corps de la défunte. Sébastien semblait avoir perdu son humanité et agressait quiconque tentait de lui « voler » sa bien-aimée. La police fut appelée, et finalement on réussit à l’emmener loin des lieux du drame, tandis qu’on enfermait Ariane dans un sac noir.

 

Sébastien fut interrogé sur les circonstances du meurtre. Au bout de quelques heures, pendant lesquelles arrivèrent ses parents qu’il ne regarda même pas, on put esquisser vaguement la scène. Un drogué était arrivé, avait tenté de les racketter, sorti une arme, assassiné la fille, et était parti en courant. La seule chose qu’on arrivait à tirer on ne peut plus clairement, c’était « Il a pris sa vie. Je n’ai pas pu l’en empêcher. »

 

On le laissa finalement partir, en conseillant vivement à ses parents de prendre immédiatement rendez-vous avec un psychologue, car le choc risquait de le rendre instable mentalement. Les parents approuvèrent et lorsqu’ils rentrèrent, tandis que Sébastien allait s’enfermer dans sa chambre, ils appelèrent le cabinet de psychologie le plus proche.

 

Au lycée, lorsque la nouvelle se répandit, ce fut un choc énorme. Beaucoup pleurèrent, même ceux qui ne connaissaient pas personnellement Ariane. Les élèves furent dispensés de devoirs, et ses amis prononcèrent quelques mots à sa mémoire devant tout le lycée, avant de s’effondrer de nouveau en larme. Sébastien, lui, ne se présenta même pas en cours les jours suivants le drame.

 

Mickael alla chez lui pour le voir, mais il ne put rien en tirer. Sébastien était allongé sur son lit, habillé en noir, le regard vide fixé au plafond, et ne répondait pas à ce qu’on lui disait. Si on ne voyait pas sa poitrine se lever et s’abaisser au rythme de sa respiration et ses yeux ciller de temps en temps, on aurait pu croire qu’il était mort. D’immenses cernes bordaient ses yeux et son teint avait pris une couleur affreusement pâle. L’atmosphère dans la chambre était morose, l’air semblait lourd, il suffisait de regarder le garçon pour se sentir affreusement mal. Finalement, Mickael dut s’avouer vaincu et rentra chez lui, après avoir essayé de le faire rire, de parler d’autre chose, de le rassurer, de lui dire que ce n’était pas de sa faute, et même de s’énerver après lui. Aucun de ces stratagèmes n’avait fonctionné.

 

Une semaine après, la mère de Sébastien trouva sa chambre vide. Elle crut d’abord qu’il était retourné en cours, puis elle découvrit le mot sur son lit, qu’elle lut. Elle s’effondra en sanglot et appela son père. Sur le bout de papier étaient inscrits ces simples mots : « Papa, maman. J’ai pris ma décision. C’est ma faute si on était là ce jour là. C’est ma faute si elle est morte. C’est moi qui la vengerai. Ne m’attendez pas pour dîner. Je vous aime. » La police fut prévenue, et un avis de recherche fut immédiatement lancé. Durant la journée, les amis de Sébastien reçurent tous les même sms : « Excusez-moi. Je ne peux pas continuer. Merci d’avoir été là pour moi. » La police demanda à faire localiser le portable du garçon, et on le retrouva, en fin de journée, dans une poubelle. Aucune trace du fugueur ni du meurtrier.

 

Les recherches prirent une ampleur considérable et toute la ville fut mise sur le coup. Les parents de Sébastien restaient à la maison, attendant fiévreusement à coté du téléphone, espérant entendre une bonne nouvelle. Mais rien n’y faisait, on ne le retrouvait pas. Les recherches durèrent pendant deux semaines. Et puis on laissa tomber, car on avait passé les alentours au peigne fin. Un avis de recherche avait été diffusé, mais peu d’espoir était mis de ce coté.

 

Un mois plus tard, finalement, on retrouva le corps sans vie du jeune garçon, une balle dans la tête. À côté de lui se trouvaient les restes sanguinolents d’un homme. Il lui manquait l’avant-bras droit, qui avait servi au toxico à tenir l’arme, les orteils avaient été sectionnés, des bouts de verre étaient enfoncés dans les doigts et la paume du bras gauche, ce même bras était lacéré de part en part, un œil était arraché, un autre était poché, le nez était brisé, les lèvres étaient arrachées, les dents enfoncées, un trou béant marquait sa gorge, le torse était scalpé et laissait voir un poumon troué, des cotes enfoncées, , le foie était écrasé, les reins se baladaient librement, la vessie, qui avait été bouchée, avait explosé, des fils de fer étaient enfoncés dans les intestins, les parties génitales avaient été tranchées. La liste aurait pu encore s’allonger, de nombreux os étaient brisés, de nombreux organes lésés d’une manière horrible. On en conclut que le garçon était devenu fou et que le meurtrier de celle qui l’aimait avait subit sa démence.

 

Plus tard, l’autopsie révéla que les blessures avaient été faites sur toute la longueur du mois passé, et que les plus récentes dataient d’à peine deux jours. L’homme était mort car le garçon lui avait arraché l’estomac, l’avait ouvert et laissé les acides ronger son cœur. On avait du mal à comprendre comment il l’avait maintenu en vie aussi longtemps, avec de telles lésions, mais, ce qui était sûr, c’était que son amour l’avait transformé en animal sans plus aucune conscience ni morale et avait fait de lui le pire des tortionnaires qui soit. Même les policiers frissonnaient rien qu’à l’idée du calvaire que le meurtrier avait dû endurer.

 

Le choc fut énorme pour les parents, et pour les élèves du lycée qui durent supporter un deuxième deuil. On ne révéla pas ce que Sébastien avait fait, la version officielle fut qu’il avait tenté de retrouver l’assassin d’Ariane, que ce dernier, pris de panique, l’avait tué, et qu’il avait fini par se donner la mort, de peur d’être capturé par la police. Une cellule psychologique d’urgence fut mise en place pour tous les lycées alentours, car l’histoire s’était fait entendre partout, évidemment. Beaucoup des anciens amis communs d’Ariane et de Sébastien devinrent instable et ne se remirent de ce traumatisme qu’après plusieurs années. La mère d’Ariane resta dans sa solitude, seuls les parents de Sébastien allaient la voir de temps en temps. Quant aux deux défunts, ils furent enterrés côte à côte, finalement réunis dans la mort pour l’éternité.

 


Commentaires

 

1. Sissi33  le 25-03-2016 à 23:28:41

superbe j'adore Sourire1

 
 
 
 

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