posté le 04-10-2013 à 12:26:56

Un monde au bord du gouffre

Dans quel monde vivons-nous, déchiré par les guerres, tenaillé par la faim, détérioré pour le profit. Dans quel monde vivons-nous, alors qu’une poignée de gens vivent dans le luxe, l’opulence, sans même se soucier de ceux qui meurent à leurs pieds. Nous nous sommes laissé enfermer dans ce monde plein d’injustice par ce système écœurant qu’est le capitalisme. Nous avons créé ce mode de vie qu’est le notre pour se libérer du joug des rois et des seigneurs d’antan, chacun devait pouvoir garder ce qu’il avait produit et en faire commerce comme il le souhaitait. Tout le monde avait sa chance, il suffisait de pouvoir faire quelque chose dont avaient besoin d’autres personnes ; ce fut bien, au début.

 

Et pourtant, regardez ces pauvres gens qui rampent pour essayer de survivre tandis que d’autres leur marchent allègrement sur la tête. Regardez ces jeunes hommes et ces jeunes femmes qui se languissent d’études passionnantes, d’un travail qui les comblerait, et qui sont obligés de se contenter de ce qu’on leur offre, tandis que d’autres vont acheter leur diplômes à grands coups de chèques et de billets, quand ils ne sont pas trop paresseux pour ne pas se laisser tenter par une vie oisive à se rouler dans des tas d’or et à attendre qu’on leur apporte leur nourriture à la bouche. Regardez ces riches harpagons qui se pavanent dans leurs bolides ou sur leurs yachts au bras de charmantes demoiselles mais qui cachent jusqu’au plus petit centime, tandis que les pauvres dans la rue sont nombreux à donner quelques pièces à ces mendiants qui les regardent d’un air piteux et leur rappelle qu’ils ne sont pas encore au fond du trou.

 

Nous avons échangé nos chaînes d’esclaves contre des cages. Nous ne servons qu’à enrichir les plus riches, ce que chacun produit, ce que chacun gagne n’est pas sa propriété mais celle de son supérieur, il n’y a pas de contribution, seulement de l’exploitation volontaire. Nous appelons patrons les seigneurs d’autrefois, et salariés les anciens serfs. Oh, bien sûr, vous me direz que ceux qui mènent la danse ont fait de longues études, qu’ils sont partis de rien et ont tout monté à la sueur de leur front, mais ce sera bien naïf. Certains ont été audacieux, certains ont compris les règles de notre monde et ont réussi à s’en jouer pour réussir, certes. Cependant, il faut se rendre à l’évidence. On ne devient riche que lorsqu’on a déjà les moyens de l’être. On ne part pas de rien. Ceux qui vivent avec rien vous le diront.

 

Prenons l’exemple de la France, et nous resterons sur ce pays, car j’en ai encore beaucoup à dire sur lui. Pour gagner de l’argent, il faut un travail. Pour avoir un travail, il faut un diplôme et souvent de l’expérience. On acquiert ce diplôme et cette expérience pendant nos études, quand on a de la chance. Mais pour faire des études, il faut avoir de l’argent. C’est là toute l’ironie de la chose. Pour gagner de l’argent, il faut avoir de l’argent. Il y a les aides de l’état me direz-vous, mais là encore, il faut être bien placé. Il faut ne pas gagner assez d’argent pour que l’on vous en donne, mais on ne dit rien à propos de ceux qui en gagnent en théorie assez mais doivent en donner la quasi-totalité aussi sec. Je ne vais pas vous faire l’énumération des charges possibles qui aspirent les salaires des familles que l’on nomme « de classe moyenne », je me contenterai d’arriver aux faits : peu importe si vous n’arrivez pas à remplir votre frigo toutes les semaines, s’il est marqué que vous gagnez suffisamment, alors vous n’obtiendrez rien du tout.

 

Même si cela implique que vous ne pourrez pas étudier et que vous obtiendrez difficilement un emploi car vous n’aurez que le baccalauréat en poche. Vous finirez par vous tourner vers un apprentissage qui ne vous intéressera pas, et vous entrerez dans ce vaste engrenage où les gens comme vous travailleront pour survivre et vivront pour travailler, en voyant probablement avec horreur vos enfants finir dans la même situation. Pendant ce temps, il y en a qui ont eu la chance d’être suffisamment bien né pour que l’état, ou plutôt devrais-je dire pour que vous leur payiez leurs études et leur logement, ou au contraire pour que l’argent de papa et maman suffise à payer une grande maison au bord de la mer avec une Lamborghini et bien sûr les études de médecine ou de droit qui ne les intéressent pas tellement, au final, mais promettent un beau pactole à la sortie. Et comme ces gens ont toujours de bons contacts, inutile de dire que la recherche d’emploi ne sera pas malheureuse pour eux.

 

« Tu n’as qu’à travailler au lieu de te plaindre, tu finiras par gagner de l’argent » ai-je parfois entendu. C’est le genre de réaction qui enfonce davantage dans cette situation. Quand les employeurs ont toujours quelque chose contre vous et que les autres jugent que c’est de votre faute si vous n’avez pas d’argent, vous en arrivez vite à perdre les pédales. Et que fait-on dans ce monde, si c’est pour faire quelque chose qui ne nous intéresse pas à longueur de temps, aller dormir le soir, et y retourner le matin, parce que si on osait se prendre un moment de repos et penser à soi, on n’aurait pas de quoi manger demain ? On n’aurait peut être même plus de quoi payer les taxes et les impôts qui s’amoncèlent, jusqu’à ce qu’un beau jour, un homme débarque chez vous et vous rachète votre toit pour une bouchée de pain et trois pièces d’argent, alors qu’il le revendra à prix d’or la semaine suivante. Est-ce étonnant que certains finissent par péter les plombs, deviennent cambrioleurs voire criminels ? Peut-on en vouloir à ces gens d’avoir simplement voulu vivre ?

 

Mais ce n’est pas tellement important pour ceux d’en haut. Nous ne sommes que des chiffres. Nous sommes une vaste entreprise qu’ils doivent faire tourner pour engranger le maximum d’argent. Quand on regarde le salaire de monsieur tout-le-monde, un tiers de ce qu’il gagne ne va jamais dans sa main et atterrit directement dans la poche de l’État. Et pas un merci au contribuable, vu qu’il le lui doit bien, il n’a qu’à se taire et continuer à travailler pour son pays tout en lui donnant l’argent qu’il gagne pour ce qu’il produit. Et vu que ce n’est pas l’argent de ceux qui gouvernent, c’est beaucoup plus facile de le dépenser sans regarder. Quand on voit les dettes accablantes dont sont criblés nos beaux pays « civilisés », c’en est affolant. Quand on se dit que c’est notre argent qui sert à essayer de recouvrir le trou causé par des décisions que nous n’avons jamais prise et qui ne nous ont jamais concerné, c’en est affligeant. Quand on se dit qu’en plus de ça, ils n’ont pas l’air décidé à nous aider et préfèrent continuer à dépenser de l’argent et ainsi élargissent le trou au lieu de le reboucher, c’en est déprimant. Encore une raison de péter un plomb.

 

Bien sûr, ça ne justifie pas les horreurs qui peuvent être commises. Mais quand on regarde le règne animal, c’est quelque chose de courant. Si nécessaire, l’individu agresse son semblable pour sa propre survie. En cela on peut dire que le système a fini par nous déshumaniser. Nous sommes des automates au travail et des bêtes en dehors. Nos pays « développés » détruisent la notion d’être humain pendant qu’ils nous endorment avec leurs discours sur les droits de l’Homme et l’égalité pour tous. Et on continue à les soutenir, parce qu’on est trop faible pour accepter de voir ça, on ne veut pas voir que leur prétendue démocratie ne fait qu’apaiser les colères du peuple en faisant croire que les décisions viennent de lui. Ce n’est rien de plus qu’une dictature douce. Et le monde en est tellement rempli qu’il semble impossible d’en sortir un jour. À moins d’un bouleversement radical, une crise tellement grande qu’elle renverserait l’ordre établit.

 

On en arrive aux idées les plus extrémistes. Une guerre mondiale ? Une dictature mondiale digne de celle de Lelouch vi Britannia ? Ce garçon avait tout compris dans son monde, au moins. Il a réussi à détruire cet ordre pervers qui pourrissait le monde jusque dans ses racines. Il a fait voir tellement d’horreurs au peuple de sa planète qu’il a fini par se faire tuer, ce qui permit une libération et une reconstruction plus respectueuse de l’humanité et surtout de l’homme dans son individualité. Quelque part, il n’a fait que mettre sous les yeux des autres ce qui se passait déjà depuis des décennies. Il a commencé par être le héros masqué luttant contre le système, puis il a pris la place du dictateur et a exacerbé les travers du monde afin que même les plus froussards se rebellent. Il a offert sa vie et sali volontairement sa mémoire pour que le monde se lève. C’est peut être un homme comme lui qu’il faudrait au nôtre, quelqu’un capable de s’élever face aux autres grands et de réveiller ce qui sommeille en chacun de nous : la soif de liberté. La vraie liberté, pas juste celle d’accepter de payer pour respirer ou de mourir jeune.

 

Je ne suis probablement pas celui qui changera le monde, et je ne sais même pas si quelqu’un en est capable. Ceux qui peuvent voir cela n’ont pas les moyens de se soulever, et ceux qui ont les moyens de se soulever ne voient pas cela. Lelouch était un riche et puissant qui voyait cela, c’est ce qui l’a en grande partie aidé à réaliser ses plans. Dans la réalité, aucun des riches et puissants ne voudrait changer l’ordre du monde : ils y perdraient trop. Pourquoi se causer du tord, si on peut simplement maintenir la tête du peuple sous l’eau et continuer à vivre dans l’insouciance ? La vie est trop belle pour ne pas en profiter. Le carpe diem en deviendrait presque un raisonnement pervers. Nous sommes dans un monde qui est au bord du gouffre et qui s’y complaît. Cela va peut être en choquer certains, mais j’en attends impatiemment la chute. Peut être que cela remettra un peu d’ordre… Du moins au début. Comme à chaque fois.

 

 

PS : Pour éviter les méprises, je tiens à préciser que je ne cautionne absolument pas les actes criminels. Ce que j’ai écrit ici fait seulement état du fait que je comprends les motivations de certains, mais je reste convaincu qu’il y a bien d’autres manières de procéder. La justice dans ce monde est déjà trop bancale pour en plus excuser les coupables. Ce sera d’ailleurs le thème de ma prochaine réflexion personnelle.

 


Commentaires

 

1. Co-  le 11-11-2014 à 23:33:23

C'est fort comme texte!
Je n'adhère pas forcément à l'intégralité de ce point de vu mais au moins je reconnait la grande maîtrise de l'auteur qui nous livre une réflexion aussi forte dans son fond que dans sa forme!
C'est rare et important!
Bravo!!

 
 
 
 

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