Je m’arrêtai brièvement sur les derniers mots de cette entrée. C’était la première fois que je les utilisais, mais l’expression était revenue plusieurs fois par la suite. Probablement un moyen de formuler des mots d’espoirs quand ce dernier commençait à disparaître, un moyen d’ancrer l’instinct de survie quand tout ce à quoi il se rattachait était en train de flancher. Un moyen de ne pas baisser les bras, en somme. Je ne savais pas si cela m’avait réellement aidé, en vérité. Illyria était toujours là, et le seul fait de devoir la protéger suffisait amplement pour continuer à m’accrocher à mon existence. C’est fou que l’on ait toujours besoin d’une raison bien précise pour vivre. Comme si l’humanité avait besoin d’un bâton pour pouvoir marcher, à la manière d’un aveugle. Cependant, l’aveugle, lui, ne l’a pas choisi, alors que les hommes… Au fond, qui sait ? Depuis l’aube de l’Histoire, nous n’avons cessé de nous inventer des buts, de nous inscrire dans un vaste plan qui faisait que nous n’étions pas là par hasard. Il y a peu de domaines qui rivalisent d’inventivité d’ailleurs. Les religions en sont les créations les plus abouties.
Heureusement, rien de plus n’est arrivé aujourd’hui. On en a eu assez pendant les derniers jours de toute manière. Le jour suivant l’enterrement, bien que ça a été beaucoup plus calme, la tension n’est pas retombée. Il faut dire que la présence d’un grand nombre de monstres dans notre champ de vision n’était pas pour nous rassurer. Il n’y avait que notre champ de mines amoindri et notre ceinture de barbelés endommagée qui nous séparaient d’eux, pour nous c’était comme si nous étions déjà face à leurs gueules béantes, exhalant une haleine pestilentielle, quelques instants avant de se faire déchiqueter. À présent, nous étions 27, dont 9 personnes qui ne savaient pas se défendre, et parmi ceux qui étaient capable de tenir une arme, certains ne pouvaient supporter de voir leur mort en face d’eux. Ce qui fait que nous n’étions plus qu’une douzaine à protéger notre petit trou, qui était déjà devenu trop vaste pour nous.
Je ne sais pas comment commencer ce que je veux écrire aujourd’hui, mais je dois me dépêcher, je n’ai pas beaucoup de temps, la situation est devenue compliquée au bunker. Quand j’écrivais, des hurlements ont retenti. Je me suis précipité dehors en prenant mon arme au passage, et je suis arrivé devant un spectacle horrifiant. 2 des 6 lâcheurs gisaient déjà au sol, en charpie, tandis que les autres faisaient face à une véritable armée de créatures. Toutes celles qui auraient du nous attaquer ces derniers temps avaient l’air de s’être rassemblées et d’avoir attendu le moment opportun. Cependant, et c’était peut être ça le plus flippant, la plupart restait un peu en retrait et observait simplement le spectacle de quelques unes de leurs congénères en train de jouer avec leurs proies. On aurait dit un combat entre des gladiateurs et des lions dans une arène, sauf que le public aurait été composé de ces derniers. Un bon nombre des nôtres tirait sur les bêtes, et ils en abattaient quelques unes, mais elles n’en avaient cure. En fait, elles attendaient quelque chose qui s’est produit dans les minutes qui suivirent.